Chevaliers en évolution
Introduction :
Cette partie du musée virtuel retrace l'évolution de la figurine de ses premières réalisations du fond des âges à ce qui pourrait être son avenir au XXI ième siècle. A travers les époques, la figurine a été façonnée en différents matériaux pour des usages religieux, militaire, ludique et artistique. Dans la civilisation actuelle, elle présente plusieurs facettes, du soldat jouet pour les enfants à la figurine d'art pour les collectionneurs avertis en passant par les war games qui répètent les tactiques anciennes et développent les nouvelles. Peut-elle survivre face aux nouvelles technologies comme les jeux vidéos au réalisme saisissant, les war games par ordinateur avec des joueurs dans le monde entier ou les combats 3D ?
Antiquité :
Depuis l'aube des temps, l'homme a toujours cherché à se représenter. Des gravures, peintures et statuettes de terre glaise remontent à l'ère préhistorique. Des figurines à l'effigie de guerriers ont été retrouvées dans le monde entier, faites de matériaux divers. De nombreux archéologues et historiens présentent la garde du prince égyptien Emsah, chef de guerre de la XII ième dynastie comme les ancêtres de la figurine militaire. Ces statuettes trouvées lors des fouilles à Siout, capitale de l'ancienne Egypte, datées de 2000 ans avant J.-C. représentent une section d'infanterie lourde égyptienne et une section numide d'infanterie légère. Leur présence dans le tombeau est due aux rites funèraires égyptiens qui voulaient que dans l'au-delà, le défunt puisse disposer de tout ce qui était nécessaire; nourriture, mobilier et pour ce prince guerrrier, sa garde. Réalisées en bois sculpté polychrome, elles ne sont pas des jouets.
Si des figurines ont certainement existé en tant que jouets, la majorité des découvertes archéologiques sont des figurines funèbres. Par exemple, celles en plomb trouvées dans les tombes d'hommes et femmes dans les tumulus de Rossegg en Carinthie (Autriche). Datées de 800 avant J.-C., elles ont été créées dans un moulage en coquille puis collées sur des récipients funéraires en argile. La découverte la plus importante est un wagon, appelé wagon de tête de Frög. Une autre merveille archéologique est le char celte de Srettweg, en Autriche également. Ce char est un objet de culte celte daté du 7 ième siècle avant notre ère. Pour être précis, il représente le sacrifice du cerf. Des hommes tiennent le cerf par ses bois et l'emmènent au lieu du sacrifice. La déesse Rigani tient sur ses bras levés une coupe de libation qui devait recevoir le sang sacrificiel. Les dernières trouvailles sont des cavaliers. Datés de mille ans avant J.-C., ils ont un aspect des plus simples.
Dans cet incroyable tombeau de Qin Shuhuang, premier empereur de Chine qui donna son nom au pays, une armée de 8000 hommes repartie en 3 fosses. Ces soldats de terre cuite accompagnent leur chef qui souhaitait garder dans l'au-delà, son statut d'empereur et son pouvoir militaire. Repose ainsi à Xian, la représentation de l'armée qui unifia la Chine à la fin des "Royaumes combattants" (476 à 221 avant J.-C.). Il fallut pour construire cette merveille une fabrication presqu'industrielle réalisée par 720000 ouvriers entre 246 et 206 avant J.-C. On estime que les têtes et les bras de la plupart des soldats ont été produites dans des moules en tant que modules distincts. Après l'assemblage, on appliquait de l'argile sur la surface des sculptures afin que les artistes puissant façonner chaque visage et chaque coiffure. Par la suite, on cuisait les statues dans des fours pour rendre l'argile dure et résistante au temps, avant de les peindre avec des couleurs chatoyantes. Au final, chaque statue apparaissait sous un aspect différent et unique. (Ref: www.voyageenchine.com).
Quelques guerriers de bronze proviennent de la Grèce antique. Leur sculpture varie de la plus rudimentaire à la finesse des statues classiques. A Tanagra, des figurines civiles en terre cuite peintes, datées de la fin du 4 ième au début du 3 ième siècle avant J.-C., illustrent des femmes et jeunes filles à la mode de l'époque. Le romain Suèton décrit dans l'un de ses ouvrages le "jeu de Troie" avec un petit cheval dans le ventre duquel étaient dissimulés de minuscules guerriers. Un premier soldat en étain a été trouvé à Mayence (Allemagne) daté du 4 ième siècle après J.-C. L'étain, matière plus malléable que le plomb, mais rarement employé à l'état pur servait, dès l'ère chrétienne, aux objets de culte de taille réduite, statuettes ou ex-voto. Les romains devaient apprécier les petits soldats car depuis la première découverte à Mayence, de nombreux autres soldats plats de périodes antérieures ont été trouvés en Allemagne, Angleterre, Espagne et même en Abyssinie. Etant donné leur nombre et leur aspect détaillé, il n'est pas exagéré de penser qu'ils aient pu servi à enseigner les mouvements de troupes et les différentes tactiques, en quelque sorte des premiers war games avec figurines. (Ref : "Le monde merveilleux des soldats de plomb" de P.Martin et M. Vaillant, Edts Charles Massin, Paris).
Le jeu d'échec ou le premier des war games :
L'origine du jeu d'échec n'est pas connue. C'est en Inde, au environ de 570 après J.-C. qu'il est fait mention d'un jeu dont dérive le jeu d'échec actuel, le chaturanga, appelé également "jeu des quatre rois". Les sources différent quant à son évolution. Il semblerait qu'il se jouait à l'origine à deux joueurs, chacun ayant les quatres forces de l'armée indienne: éléphants, cavaliers, chars et fantassins. Le nom chaturanga désigne l'ensemble des composantes de cette armée. Le persan Al-Biruni qui visita le Penjab en 1030 est le premier à rapporter un jeu à quatres personnes. L'échiquier était composé de soixante-quatre cases, chaque joueur ayant un roi, une tour, un cavalier, un fou et quatre pions. Les deux joueurs vis-à-vis (jaunes et rouges) étaient alliés contre les deux autres (verts et noirs). Les règles actuelles ont été fixées à la fin du XV ième siècle. Depuis l'Inde, le jeu se propagea selon plusieurs routes : la première vers la Chine d'où, sous différentes variantes, il se diffuse en Corée et au Japon; une autre route, qui pourrait remonter au XIII ième siècle, le conduit jusqu'en Russie, via l'Empire mongol ou, peut-être, l'Empire byzantin et ensuite en Europe du Nord (Scandinavie, Allemagne, Ecosse); selon une dernière route, qui finira par absorber les précédentes, le jeu arrive au VIe siècle (sous le règne de Khosroès I) en Perse, puis dans l'Empire arabe (VIIe siècle) et enfin, de là, en Europe du Sud (Espagne, Italie, France). Vers l'an 800, Haroun al-Rachid offrit un jeu d'échecs en ivoire à Charlemagne et vers 1250, un prince bédouin offrit à Saint Louis un autre jeu d'échecs, celui-ci en cristal de roche. Ces épisodes montrent l'ancienneté de l'introduction du jeu d'échecs en Occident, et aussi la très haute estime dans laquelle il était tenu. (Ref: www.cosmovisions.com).
Le jeu d'échec le plus célèbre au monde est celui de Lewis. En 1831, sur les rives de l'île de Lewis, au large de l'Écosse, une découverte remarquable a été mise au jour : une collection de 93 pièces de jeu dont 78 échecs, 14 pions et une boucle pour sécuriser un sac. Les pièces d'échecs sont constituées d'ivoire de morse travaillé de manière élaborée et de dents de baleines, en forme de rois et de reines assis, d'évêques, de chevaliers sur leurs montures, de gardiens debout et de pions en forme d'obélisques. Si leur origine est constestée car d'après certains spécialistes, le jeu aurait appartenu à un marchand faisant le voyage de Norvège vers l'Irlande, la datation ne peut pas être remise en cause. Elle a été rendue possible par la conception très détaillées des mitres des évêques et se situe entre 1150 et 1200 après J.-C. Les pièces sont magnifiques avec leur style si singulier. Il n'est pas étonnant que des collectionneurs se spécialisent dans les jeux d'échec tant les réalisations des figurines rivalisent de beauté. (Ref: L'égnime du jeu de Lewis).
Le Moyen-âge :
Entre la fin de l'empire romain et le XIII ième siècle, mis à part l'introduction du jeu d'échec, peu de traces de figurines. Cependant elles ont existé car des sources écrites le prouvent. Après la chute de la civilisation romaine, l'église chrétienne devint petit à petit la force civilisatrice. Nombre de croyants se sont lançés sur les routes des pélérinages. Pour être protégés pendant leur voyage, les pélerins achetaient à des prix minimes des figurines gravées sur une seule face et moulées en étain ou en plomb. Appelées "enseignes", elles symbolisaient la protection entre autres de Saint Michel, Saint Georges, Saint Christophe, la Vierge Marie ou affichaient des emblèmes comme des coeurs ou des coquilles. Le plus ancien chevalier en plat d'étain connu date du XIV ième siècle. Sur son cheval harnaché, il mesure 6 cm de haut. Retrouvé en deux exemplaires, l'un est exposé au Musée de Cluny, l'autre appartient à un collectionneur privé. La société guerrière du Moyen-âge favorisa donc l'émergence de figurines militaires. Seuls les riches pouvaient offrir à leurs enfants ces jouets. Reproduire des joutes miniatures était un jeu tellement populaire à l'époque que des figurines en ronde bosse ne tardèrent pas à apparaître. Des illustrations de ces jouteurs miniatures se trouvent dans certains manuscrits tel que le "Hortus Delicarium" de Herrade de Landsberg (cette encyclopédie est la première connue écrite par une femme et ses moniales entre 1159 et 1175, au couvent de Hohenbourg). Des chevaliers étaient déplaçés grâce à un ingénieux système de fils et/ou de roues. Pour plus de réalisme, les lances fraibiquées à dessein dans un bois fragile se cassaient lors du choc. (Ref: Revue Figure International, avril 2002).
La Renaissance :
Entre le XV ième et le XVII ième siècle, ce courant artistique étendit son influence à tous les pays d'Europe. Les figurines prirent aussi leur essor, quelles soient automates, miniatures ou petits soldats, elles devinrent de véritables oeuvres d'arts façonnées par des orfèvres. Des métaux précieux, l'or et l'argent sont employés. La nef dite de l'empereur Charles-Quint en est un bel exemple. Sur le bateau d'or et d'argent, Charles V est entouré de nobles, de musiciens, de marins et de soldats. Seuls les privilégiés de la haute société pouvaient s'offrir de telles pièces précieuses. A partir du XVII ième siècle, les petits soldats vont servir à l'éducation des princes. Il fallait préparer les futur rois aux tâches qui l'attendaient dont l'art de la guerre avec les batailles et leur ordonnancement, les techniques de siège ou encore la capacité de commandement pour répondre à des maréchaux aguérris. C'est dans ce but éducatif que Marie de Médicis commanda pour le futur Louis XIII un bateau et 300 marmousets en argent auprès de Nicolas Roger. Lorsque Louis montât sur le trône, le malheureux orfèvre n'avait pas encore reçu le solde de la commande. En 1610, l'année de l'assassinat de son père, Henri IV, des bonhommes en plomb et de l'artillerie s'ajoutèrent à la collection ainsi que soldats en poterie pour faire nombre. En Angleterre, Henri, prince de Galles qui mourut en 1612 eut également une armée de petits soldats. Louis XIV, encore Dauphin hérita de l'armée miniature de son père qui fut renforcée en 1650 par un contingent en argent de cavalerie, d'infanterie et de machines de guerre pour un coût de 5000 écus. Le sculpteur Georges Chassel de Nancy fournit les modèles et Nicolas Merlin, orfèvre à Paris, les exécuta en ciselure fine. Aucune de ces pièces n'a survécu aux finances délicates du Roi Soleil qui les aurait fait fondre pour les transformer en monnaie. En 1661,Louis XIV commanda, pour le Dauphin, des jouets militaires auprès de maîtres de Nuremberg et d'Ausbenourg ou commençait à naître le commerce des plats d'étain. Nombre de matériaux ont été employés jusqu'alors: pierre, os, argile, terre cuite, bois, fer, étain, plomb, or, argent. Avec l'imprimerie, le papier sera aussi utilisé. En 1670, Louis XIV fit une commande d'une armée de "carte" dont l'exécution artistique est confiée au peintre Pierre Couturier pour la somme de 30.000 livres. A nouveau, il n'en reste pas de traces malheureusement.
Des Lumières au début de l'industrie :
L'étain
Au milieu du XVIII ième siècle, plusieurs facteurs vont concourir à l'essort du soldat jouet en plat d'étain ou zinnfiguur en allemand. Il y a d'abord la diffusion de l'étain, le trésor des pauvres, qui mélangé avec du plomb, du cuivre ou de l'antimoine procurent à la population des vaisselles et couverts à moindre prix. Depuis le Moyen-âge, la Guilde des Ferblantiers en avait l'exclusivité de la production. La fabrication de jouets s'inscrivit dans la même logique de développement et ce n'est pas par hasard que le point de départ se situe dans la région de Nuremberg et Ausburg ou existaient des mines d'étain. Le deuxième facteur est l'évolution de l'art de la guerre due à l'amélioration constante des fusils et des canons. Le déplacement des troupes sur le champs de bataille doit répondre à des mouvements précis qui peuvent être étudiés avec des soldats miniatures déplacés sur de grandes tables. Dans ses mémoires, la Grande Catherine de Russie raconte que le Tsar Pierre III (1728 - 1762), lorsqu'il était grand-duc possédait un très grand nombre de petits soldats en bois, plomb, amidon et cire, plaçés sur des tables étroites reliées entre elles. Chaque jour, il procédait en uniforme à la relève de la garde de ses soldats jouets. Le Tsar devenu fou a finalement été assassiné ce qui plaça son épouse Catherine sur le trône. A la même époque et bien qu'il n'en y aient pas de preuves, il est tout à fait possible que cela soit en jouant aux jeux de startégie qui faisaient partie de l'éducation des princes, que Frédéric II, roi de Prusse ait inventé son fameux "ordre oblique". Les victoires de ce stratège eurent une grande répercussion auprès de l'homme de la rue. Les fondeurs allemands se lancèrent dans la production de petits soldats en étain représentant l'armée du grand "Fritz". Un nouveau marché apparaît et devint accessible à de plus en plus de bourses. A cette époque, les tenues et uniformes font déjà l'objet de réglements strictes, pourtant leur réprésentation sur les figurines est longtemps restée sommaire. Johan Gottfried Hilpert (Cobourg 1732 - Nuremberg 1803) est l'un des pionniers qui fabriqua à Nuremberg, au environ de 1775, 40 modèles de soldats de plomb inspirés des troupes de Frédéric le Grand. Ils mesuraient 5 à 6 centimètres. Très vite, d'autres fabricants de la même ville lui emboitèrent le pas; Besold, Haffner, Stahl Gottschalk et Ammon. A Fürth, dans les années 1790, il y avait 8 fonderies pour la fabrication de petits soldats. Le succès s'étendit à d'autres villes allemandes comme Berlin, Luneberg, Erfurt et Wurttenberg entre autres mais les ventes ne dépassèrent pas les frontières du Saint Empire germanique. D'autres pays eurent leurs propres fabricants; Rudolf Wehrli à Aarau en Suisse, Bergmann à Strassbourg en France ou encore Carlos Ortelly à Barcelone en Espagne. Au début des productions, les échelles étaient variables du 3 à 4 cm jusque 12 cm parfois 20 cm. Les bases avant d'être codifiées étaient soit rectangulaires soit ovales. La polychromie était assez sommaire, les visages et les mains laissés en blanc. Les uniformes étaient gravés de manière rudimentaire, la rigueur de l'exactitude de l'uniformologie n' avait pas encore ses exigences. C'est par les marchands de foire et surtout pendant la période de Noël que les petits soldats étaient vendus dans des petites boîtes ovales en sapin.
Les puissants continuèrent à commander pour leurs héritiers des pièces exceptionnelles comme Napoléon I qui fit fabriquer par le joaillier J. B. Odiot ,120 petits soldats en métal recouverts d'or dans la tenue du 22 ième régiment d'infanterie légère, une unité traditionnellement corse. L'ensemble fut offert au petit roi de Rome le 20 mars 1812 pour son premier anniversaire. La production des petits soldats subit les affres de la période napoléonienne, nombres de fabricants disparurent mais la victoire des alliés relanca la fabrication. La richesse et la diversité des uniformes des guerres napoléoniennes incita les fondeurs à faire appel à des sculpteurs - graveurs de qualité.
Evolution en Allemagne :
A partir de 18 9, Nuremberg devint le centre de production de figurines en plat d'étain, avec Ammon, Schweigger, Gottschalm et surtout Heinrichsen qui imposa vers 1848, la taille standard de trente millimètres. Parmi les contemporains de cette période, il y eut Allgeyer et Haffner de Fürth, denecke de Brunswick, Haselbach et Söhlke de Berlin, Rieche de Hanovre. Le tsar Nicolas I acheta auprès de la firme allemande Heinrichsen, une collection complète des régiments des gardes russes. Le nom Heinrichsen fait à présent écho à l'âge d'or du plat d'étain (1830 à 1890). Ces figurines sont bien détaillées par les graveurs qui s'inspirent de dessins d'artistes. La peinture plus fine évolue également avec un respect plus grand de l'authenticité des uniformes et le coloriage des détails. Grâce à l'apparition du chemin de fer, la commercialisation des petites boites ovales en copeau de sapin vendues au poids, touchera toute l'Europe.
Evolution en France :
A SUIVRE